Le Docteur Raymond Abrezol
Le pionnier de la sophrologie, un ami
par le Dr. Guy CHEDEAU
Directeur des Académies Franco-Suisse et Suisse de Sophrologie
Directeur de l’Institut Milton Erickson de Genève
Mon ami le Dr Raymond ABREZOL est décédé le 09 avril 2010. Il a vécu ses derniers instants avec courage et dignité.
Raymond m’a accueilli comme co-responsable de la formation en Suisse après le départ du Dr. Hubert. Notre collaboration a été simple et conviviale. Les différents groupes d’élèves se souviennent et témoignent :
« Raymond et Guy, Guy et Raymond, pour nous élèves, il était rare que nous prononcions l’un des prénoms sans mentionner l’autre également, nous en avions presque fait un prénom composé. »
Raymond est né le 30 mars 1931 et voici comment il décrivait sa naissance : « Un beau jour, la belle histoire du grand mystère de la vie m’interpella. Mon arrivé dans le monde matériel sous forme d’une cellule vivante et frétillante se produisit… L’enfant ne naît pas le jour de sa naissance mais 9 mois avant ».
Dès 1960, Médecin-Dentiste, il découvre l’implantologie dont il sera un des pionniers en Suisse.
Lors du congrès de Barcelone en 1963, il assiste à « l’anesthésie psychique » faite par le Dr. Isasi, élève du Prof. Caycedo : « A l’époque, je n’avais aucune vue globale et je ne savais rien de ce que vivaient les patients, qu’un Être Humain existait et qu’il ressentait quelque chose, avec la Sophrologie j’avais l’impression de découvrir ma condition d’ Être Humain ».
Fondateur de l’Ecole Suisse, pionnier de la Sophrologie européenne, nombre de Directeurs d’Ecole de Sophrologie ont été formés par lui. Le Prof. Caycedo et la Sophrologie lui doivent beaucoup. Son amour de la vie et des Êtres Humains a laissé des traces en chacun de nous.
Raymond m’a aidé à dévoiler mes propres potentialités. Il a mis à ma disposition tout ce qui m’était nécessaire pour prendre mes marques. Je lui en suis profondément reconnaissant.
A chaque séminaire je m’attends à retrouver son sourire au détour d’un couloir et ses blagues au moment des repas.
Combinant son goût des sommets et son amour des animaux, il a pratiqué avec son chien le sauvetage en montagne. Etonné par un skieur qu’il sauve d’une avalanche, il lui demande : « Comment avez-vous pu tenir aussi bien ? » Il lui répond : « J’ai un truc, je fais du Training Autogène ». Ce genre d’évènement a émaillé la vie de cet esprit curieux ayant le goût de l’exploration et de la découverte. « Revenir aux choses elles-mêmes comme si c’était la première fois » était une réalité vécue pour lui. Il témoignait par son attitude de ce qu’est la mise entre parenthèses des préjugés et des apriori.
Bien qu’ayant suivi un séminaire d’ Hypnose et de Médecine Psychosomatique avec Milton Erickson à Houston en 1965, lors d’un cours de Sophrologie qu’il donne à New-York en 1968 à des soignants américains, certains de ces élèves lui font remarquer qu’ils connaissent déjà la méthode : « C’est de l’Hypnose ! ». Raymond est déstabilisé. De même lors d’un séminaire à Bordeaux, il traite une jeune fille asthmatique dont la première crise avait été déclenchée par un garçon qui l’avait effrayé avec un serpent. Elle fait une crise émotionnelle de décharge durant la séance de Sophrologie. Il apprendra quelque temps après que la jeune fille était guérie de son asthme : « Il s’agissait d’une séance d’Hypnose saupoudrée de Sophrologie mais le résultat était là ». Encore aujourd’hui, un vent de confusion règne entre Sophrologie et Hypnose; il est facile de tomber dans l’amalgame.
Raymond aimait l’aventure de la vie, l’Amazonie, l’Afrique, l’Amérique où il séjournait régulièrement et où nous avons partagé un périple dans les Everglades au milieu des alligators, de la nature.
Un de ses lieux de prédilection était l’Inde, lieu de contrastes, de sagesse, de misère.
Sa préoccupation pour les enfants de Bangalore a permis l’éducation de centaines d’entre eux grâce à la Fondation Shanti.
Pour les Jeux Olympiques de Grenoble, il prépare 4 athlètes avec la Sophrologie puis l’équipe Suisse de ski pour les Championnats du Monde en 1972. Ensemble ils gagneront plusieurs médailles. Grâce au sport, il unit activité et goût de l’Humain. Nous pouvons remercier le destin de nous être connus, d’avoir pu partager tant de choses ensemble et avec le monde de la Sophrologie. L’avenir était son domaine. Il lui fallait des perspectives, des projets, des hommes et des femmes à entraîner dans son sillage. Il aimait l’espace, le mouvement et son énergie quasi inépuisable, lui permettait d’assumer.
Ensemble nous avons tant partagé de lieux, de rencontres professionnelles et privées, de confidences, de vision pour la Sophrologie présente et future. Son esprit d’ouverture lui permettait d’envisager tous les points de vue, tous les courants comme faisant partie de la grande famille « Sophrologie ».
Nos vies se sont souvent mêlées pour le bien de chacun de nous.
Raymond tu resteras à jamais dans nos cœurs, dans le mien, dans celui de tant de personnes que tu as côtoyé.
Tu nous manques. Donne-nous, de là où tu te trouves un peu de la flamme et de la force qui t’a permis de tant accomplir.
Dr. Guy Chedeau